Projet de Constitution française
Les citoyens français, instruits par l’expérience, mettent fin à deux siècles d’instabilité politique. Ils placent le gouvernement sous le contrôle de l’Assemblée nationale et des juridictions chargées de faire respecter les règles supérieures de droit.
Article premier
Les citoyens français adoptent une constitution conforme aux normes démocratiques. La République française a pour symbole le drapeau tricolore, pour hymne national la Marseillaise, et pour devise : « liberté, égalité, fraternité ». La langue nationale est le français.
Article 2
La Haute Cour de Justice veille au respect de la Constitution et de la Déclaration des libertés et devoirs du citoyen lui servant de préambule. Elle est présidée sur titre par le Président de la République en sa qualité de chef de l’Etat, garant suprême des institutions nationales. La Chambre constitutionnelle de la Haute Cour est composée de neuf membres désignés pour neuf ans par les hauts magistrats du pays selon la procédure fixée par la loi organique régissant son fonctionnement. Elle saisit en dernier ressort la Cour constitutionnelle de l’Union européenne.
Article 3
Le président de la République appelle à la tête du gouvernement le chef de la majorité parlementaire. Il promulgue les lois votées au Parlement. Il reçoit les lettres de créances des ambassadeurs étrangers. Il nomme sur proposition du gouvernement les ambassadeurs et envoyés plénipotentiaires accrédités auprès des pays étrangers. Il représente la France dans les cérémonies officielles et à la demande du gouvernement. A défaut de majorité claire à l’issue des élections législatives, il désigne une personnalité capable de former le gouvernement; après trois tentatives infructueuses, il dissout l’Assemblée nationale. Le chef de l’Etat est élu par la Chambre des sages pour un mandat de sept ans, renouvelable.
Article 4
L’Assemblée nationale comprend quatre cent un membres élus pour cinq ans au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Les circonscriptions électorales sont révisables tous les quinze ans par la chambre électorale de la Haute Cour de justice. Les députés sont convoqués par le chef de l’Etat à dates fixes pour deux sessions annuelles. Ils votent les lois ordinaires à la majorité simple et révisent les lois organiques à la majorité des trois quarts. Ils contrôlent le gouvernement et le bon usage des fonds publics. Ils exercent leur fonction à l’exclusion de tout autre mandat électif.
Article 5
Le Premier ministre conduit la politique de la nation. Il désigne les membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. Il préside le Conseil des ministres. Il est responsable devant le Parlement. Il cesse d’exercer ses fonctions en cas de démission ou après un vote de censure acquis à la majorité absolue des députés. Il dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale après consultation du président de la République. Il fixe l’ordre du jour du Parlement. Il saisit les députés d’appels à légiférer selon un cahier des charges précisant les objectifs poursuivis et les carences de la législation en vigueur. Il siège au palais des Invalides. Les ministres conservent leur droit de vote au parlement et retrouvent leur mandat parlementaire en fin de mission.
Article 6
Les députés exercent le pouvoir législatif. Ils sont répartis en quarante commissions de vingt membres au plus chargées d’étudier les projets de loi. Chaque député est membre de deux commissions. Il n’est autorisé à déposer que cent amendements par année en séance publique. Les lois ordinaires sont votées en séance plénière à la majorité simple et les lois organiques à la majorité des deux tiers. Les députés décident des impôts et fixent des plafonds en matière de taxes locales. Les budgets sont votés en équilibre. Les emprunts publics ne peuvent pas financer des dépenses courantes. Le fonctionnement de l’Assemblée nationale est fixé par une loi organique annexée à la Constitution.
Article 7
La Chambre des Sages est composée de personnalités éminentes reconnues pour leur compétence dans le domaine des sciences morales et politiques. Ses membres, au nombre de soixante et un, ne sollicitent les suffrages d’aucun électeur. Ils se recrutent par cooptation selon la procédure fixée par la Chambre des procédures de la Haute Cour de Justice. Leur mandat, renouvelable une fois, est de neuf ans. Ils portent le titre de Pair de France. Ils sont consultés pour avis avant le vote des projets de loi. Ils disposent d’un droit de veto suspensif avant la promulgation des lois. Ce veto, qui doit être acquis à la majorité des deux tiers, impose une relecture du texte au terme d’un délai de six mois. Les Pairs de France élisent le président de la République. Le fonctionnement de la Chambre des sages est régi par une loi organique. Lors de la première législature, c’est l’Académie des sciences morales et politiques qui en assume les fonctions. La Chambre des Sages siège à l’Institut de France.
Article 8
Le Conseil des techniciens assiste le Parlement dans la préparation des projets de loi. Ses membres, au nombre de cent un, sont recrutés par cooptation pour un mandat de six ans, renouvelable une fois, parmi les chercheurs en politiques publiques et selon la procédure fixée par la Chambre des procédures de la Haute Cour. Le Conseil des techniciens ne peut comprendre plus d’un tiers de fonctionnaires des administrations. Il sélectionne parmi les candidats et personnalités qualifiées les experts chargés d’assister les députés dans la rédaction des projets de loi. Les rédacteurs auditionnent les personnalités de leur choix et les agents publics désignés par le gouvernement. Les membres des commissions parlementaires compétentes sont libres d’assister aux travaux du comité de rédaction. Le Conseil des techniciens siège au palais d’Iéna.
Article 9
Le Conseil des juristes assiste les députés et les techniciens sur le plan législatif. Il exerce un contrôle préventif de la légalité des lois et des actes publics. Ses membres sont sélectionnés par concours ou cooptés par leurs pairs selon la procédure fixée par la Chambre des procédures de la Haute Cour de justice. Leur mandat, d’une durée de six ans, est renouvelable deux fois. Le Conseil des juristes est saisi pour avis par les fonctionnaires en charge du contrôle de la légalité dans les administrations. Lorsqu’il est saisi par l’opposition parlementaire de textes suspects d’inconstitutionnalité, il dispose d’un droit de veto motivé et suspensif entraînant une relecture de la loi en séance publique avant sa promulgation. Le Conseil des juristes siège au Palais Royal.
Article 10
Le Conseil des auditeurs assiste les députés dans leur tâche de contrôle des finances publiques et dans l’évaluation des coûts induits par les législations. Les auditeurs sont sélectionnés par concours ou par cooptation pour un mandat de six ans, renouvelable deux fois, parmi la profession des experts-comptables et des commissaires aux comptes. Ils ont accès aux documents publics et sont tenus de respecter la confidentialité des informations dont ils ont connaissance. Ils assistent les députés dans le cadre des commissions d’enquête parlementaires. Le Conseil des auditeurs siège dans les locaux de l’ancienne Cour des Comptes.
Article 11
Une loi organique précise le fonctionnement des trois Conseils au service du Parlement: le Conseil des techniciens, le Conseil des juristes et le Conseil des auditeurs. Les commissions officielles d’experts, les hautes autorités de contrôle ou de régulation, et les autres observatoires publics d’intérêt général sont créés, sur demande du Premier ministre, par un vote des députés statuant à la majorité des deux tiers. Leur durée de vie est limitée. Leurs membres sont nommés sur proposition du Conseil des techniciens par la commission compétente de l’Assemblée nationale.
Article 12
Le gouvernement peut convoquer le Parlement en session extraordinaire en lui fixant un ordre du jour spécifique. Dans l’année suivant les élections législatives, le gouvernement peut légiférer par ordonnance sur les propositions figurant au programme du parti ou la coalition parlementaire, sous réserve d’une loi d’habilitation votée par la majorité des députés. Dans les situations d’urgence, reconnues par la Haute Cour, le gouvernement peut soumettre à l’Assemblée nationale les projets de loi émanant de lui. La Chambre des Sages, le Conseil des juristes, le Conseil des techniciens et le Conseil des auditeurs sont consultés pour avis.
Article 13
Les administrations appliquent les décisions publiques. Les agents de l’Etat relèvent de huit ministères : Justice, Finances, Intérieur, Défense nationale, Relations extérieures, Transports et travaux publics, Santé et environnement, et Assistance publique. Chaque ministre est assisté d’un secrétaire d’Etat. Des secrétariats d’Etat peuvent être créés par l’Assemblée nationale sur demande du Premier ministre pour des objectifs précis et pour la durée d’une législature. Les ministères sont divisés en départements autonomes. Les chefs des départements et des administrations centrales sont nommés et peuvent être révoqués par le ministre. Les administrations tiennent une comptabilité analytique et patrimoniale faisant apparaître les dettes à court, moyen et long termes.
Article 14
Les fonctionnaires sont recrutés sur concours et sur dossier. Ils doivent justifier de dix ans d’expérience professionnelle. Les salariés de la fonction publique sont assujettis au droit commun. Ils sont tenus au devoir de réserve et ne peuvent manifester sur l’espace public. Les syndicats et les groupes de pression ont le statut d’associations privées. Leurs représentants ont accès aux enceintes publiques dans le cadre d’auditions spécifiques, à la demande de députés, de membres du gouvernement et des experts spécialisés dans la défense de l’intérêt commun consultés par les autorités politiques.
Article 15
L’administration territoriale compte deux niveaux. Les collectivités publiques de proximité sont les pays (et les communes qu’ils intègrent). La France métropolitaine est divisée en dix provinces (hors Ile de France), auxquelles s’ajoute la Corse. Les appellations et les limites géographiques des cités, pays et provinces sont fixées par la loi organique des pouvoirs locaux au terme de la procédure définie par la Haute Cour de justice. Chaque collectivité locale dispose d’une assemblée d’élus exerçant le contrôle du pouvoir exécutif. Le président de l’assemblée ne peut exercer aussi la fonction de chef de l’exécutif. Les délégués territoriaux sont élus au scrutin majoritaire à un tour au niveau d’un quartier, d’un canton ou d’une circonscription provinciale. En dehors de l’Ile de France, le chef-lieu de la province est distinct de la métropole économique.
Article 16
La répartition des compétences territoriales est fixée par la loi organique sur les pouvoirs locaux. Les services publics de proximité sont placés sous la responsabilité des élus des cités et des pays. Les provinces exercent les autres compétences publiques ne relevant pas des fonctions étatiques nationales : affaires économiques, aménagement du territoire, culture et enseignement. L’identité culturelle des communes, des pays et des provinces est préservée. L’Etat veille à la juste répartition du produit des recettes fiscales entre les collectivités territoriales.
Article 17
Les indemnités de fonction des élus sont fixées par la Chambre électorale de la Haute Cour. Les partis, les campagnes électorales et les instituts de recherche en politiques publiques sont financés par les particuliers sous forme de dons ou de legs fiscalement déductibles. Les citoyens aux revenus modestes disposent de bons politiques. Les élus nationaux et locaux à temps plein bénéficient d’une indemnité leur permettant de tenir leur rang et d’exercer leur mission. Une allocation différentielle, prélevée sur leurs contributions à l’impôt sur le revenu versées antérieurement à leur entrée en fonction, est attribuée aux élus dont les revenus étaient supérieurs à ladite indemnité.
Article 18
La Corse, province maritime, et les territoires d’outre-mer jouissent d’un statut propre. Ce statut est fixé par une loi organique votée en termes identiques par le Parlement et l’Assemblée du territoire. Les membres de l’Assemblée du territoire sont élus au scrutin majoritaire à un tour dans les circonscriptions délimitées par la Commission électorale de la Haute Cour. L’assemblée nomme et contrôle le chef de l’exécutif du territoire. La Corse et les territoires d’outre-mer peuvent bénéficier d’un régime fiscal particulier.
Article 19
L’appartenance à la communauté nationale suppose la volonté de partager un destin commun. Lorsque la majorité des trois quarts des membres de l’Assemblée d’un territoire demande à quitter la République, leurs délégués négocient avec les représentants de la communauté nationale les conditions de l’autonomie ou de la sécession. Le compromis est validé par un double référendum, des habitants du territoire et des autres membres de la communauté nationale. Lorsque les trois quarts des députés nationaux demandent qu’un territoire soit exclu de la communauté nationale, la décision est acquise à l’issue d’un référendum national.
Article 20
La Constitution peut être révisée à la demande de la Chambre des Sages et de l’assemblée plénière des membres des chambres de la Haute Cour de justice, statuant chacune à la majorité des trois quarts. Les amendements à la Constitution sont votés par référendum à la majorité des suffrages exprimés, ou par un vote de l’Assemblée nationale à la majorité des trois quarts. Les lois organiques sont révisables sur proposition de la Chambre des Sages et de la Haute Cour par référendum ou par un vote du Parlement statuant à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.