Respecter le principe de subsidiarité
Il est urgent de renverser l’organisation pyramidale créée à contre-courant il y a plus de deux siècles pour faire monter la sève depuis la base, au lieu de prétendre en irriguer la structure depuis Paris. L’application du principe dit de subsidiarité – mis à l’honneur dans le contexte de la construction européenne – permettrait aux citoyens de déléguer leur souveraineté à l’échelon le plus approprié. Nos voisins ont opté pour une structure à deux niveaux.
Opter pour une structure à deux étages
Il convient d’abord d’identifier l’échelon de proximité pertinent. En dehors des agglomérations, les entreprises ont tranché il y a une cinquantaine d’années déjà pour les bassins de vie, qui correspondent souvent aux anciens « pays ». Il s’agit d’espaces d’une vingtaine de kilomètres de rayon à l’intérieur desquels les Français effectuent l’essentiel de leurs déplacements. Les villages réels continueraient d’être représentés par un maire élu, porte-parole de la population locale, et conserveraient ainsi le maintien de précieux liens de convivialité.
La gestion des dépenses sociales (financées à l’échelle nationale), qui représentent la plus grosse partie des dépenses des départements, serait transférée aux élus et gestionnaires de terrain, ce qui permettrait d’humaniser davantage la prise en charge des populations concernées.
La taille de la France rend nécessaire la mise en place d’un second échelon politique. Là encore, la logique voudrait qu’on suive l’exemple des grandes entreprises, qui ont subdivisé le pays en une dizaine de régions pour coller aux réalités économiques. Or, ce chiffre correspond au nombre des métropoles provinciales (Lille, Strasbourg, Nantes, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Marseille, … et quelques autres) en mesure de faire contrepoids à la toute puissance de la capitale. Ces provinces retrouveraient d’anciens noms hérités de l’histoire et bien plus fédérateurs que les dénominations actuelles. Il s’agirait surtout de leur conférer d’importantes compétences : économie (agriculture, commerce, artisanat, tourisme), aménagement du territoire (transport et voies de communication) et culture (arts, universités, patrimoine).
La fin du mille-feuille administratif
La suppression du département entraînerait celle du corps préfectoral et se traduirait par l’effondrement d’un véritable château de cartes, soit au total six à huit strates administratives : les préfectures de région, les préfectures de département, les conseils départementaux, les sous-préfectures, les syndicats mixtes de collectivités locales, les communautés de communes (hors agglomération), ainsi que les Scots et les parcs naturels régionaux lorsqu’ils coïncident avec les pays. Les services décentralisés de l’Etat, de justice et de police, en particulier, s’intégreraient dans le nouveau découpage territorial.
Le tracé et la dénomination des nouvelles entités nécessiteraient la consultation, non seulement des élus mais aussi des populations locales, notamment quand se pose le problème du rattachement d’un territoire à telle ou telle entité, les frontières des départements étant rarement pertinentes en l’espèce. Le chantier est d’importance et on imagine aisément les objections que ne manqueront de soulever les parlementaires, enracinés dans les départements. Telle est bien la difficulté. En effet, en matière d’organisation territoriale, nos législateurs sont juge et partie. La pratique du cumul des mandats, inhérente à la structure pyramidale du pouvoir politique, va à l’encontre de l’intérêt national.
Les dirigeants capables de mener à son terme cette étape essentielle de la réforme de l’Etat devront donc faire preuve de la plus grande fermeté pour s’opposer aux tenants du maintien du découpage actuel, imposé d’en haut durant une période troublée de notre histoire. Les élus locaux retrouveront alors leurs marques, tandis que le coût de la gestion des affaires territoriales pourrait être divisé par deux, au grand soulagement des contribuables. A la structure verticale du pouvoir fera place une organisation polycentrique capable de redynamiser des terroirs qui ne demandent qu’à renaître. Ainsi allégé, le gouvernement central pourra ne plus compter qu’une dizaine de ministères, tandis que le Conseil des ministres débattra enfin des grands enjeux nationaux. La longue parenthèse d’un centralisme asphyxiant se refermera enfin.