Un mécanisme pernicieux
Quand on cherche à percer le mystère du chômage, véritable fléau national, on constate que la législation dans le domaine de l’emploi a été pervertie par l’déologie. Au prétexte que le salarié serait en état d’infériorité face à son employeur, on a introduit une discrimination entre les parties. Or, on confond deux réalités de nature différente: l’inégalité des statuts et l’égalité de la valeur des biens échangés, en l’occurrence un emploi et un salaire, seuls facteurs à prendre en considération.
En politisant par ailleurs les relations employeur-salarié, on a instauré une forme de corporatisme qui contraint le premier à signer sous la contrainte. La négociation collective sur le montant des salaires oblige les entreprises à s’entendre sur les prix, ce qui est contraire au droit. On prive en outre le salarié d’une liberté fondamentale : celle de négocier sa force de travail, seul bien qu’il possède en propre en dehors de son corps et de sa dignité. Comme il lui faut déléguer son pouvoir, on a créé une nouvelle catégorie de représentants politiques, qui se situe en dehors du modèle démocratique : les leaders syndicaux.
On qualifie de « dialogue social » un mode de résolution des conflits qui dépend au bout du compte de la capacité de vocifération des cortèges de rue. Où est le débat quand l’argumentaire s’apprécie à l’aune du nombre de militants présents sur la chaussée? Le droit est absent, mais les risques de guerre civile sont très réels, car, en s’opposant aux provocations des syndicats, on enclencherait un engrenage fatal. Le pouvoir ayant été donné à la rue, nos dirigeants ont tiré les conséquences des règles qu’ils ont eux-mêmes édictées. Le premier geste des chefs de gouvernement, qu’ils soient de droite ou de gauche, n’est pas de rencontrer les élus nationaux mais de recevoir ce qu’il est convenu d’appeler les partenaires sociaux. L’ultra-gauche a découvert un mode de combat plus sûr que le sabotage: semer la zizanie en sapant les fondements de l’ordre politique.
Des lois nocives pour l’emploi
C’est ainsi que les lois pénalisant les salariés se sont multipliées. S’ils doivent se séparer de l’un d’eux, les employeurs sont traînés devant les tribunaux comme des délinquants. On ne s’étonnera donc pas que les entreprises hésitent à recruter du personnel ou qu’elles préfèrent proposer des emplois précaires. En vérité, la surprotection des uns ayant entraîné la mise au chômage des autres, les salariés du secteur privé ont déserté les syndicats, qui prétendent malgré tout les représenter.
A l’heure où les entreprises doivent délocaliser pour rester compétitives, les responsables du désastre industriel sont à rechercher parmi les politiciens, en particulier ceux qui se targuent d’être les défenseurs de la classe ouvrière, alors même qu’ils n’ont de cesse que de voter des lois entravant le développement économique.
Revenir au droit
Si on analyse le modèle démocratique sous tous les angles, on ne trouve nulle part trace de l’existence de syndicats semblables aux nôtres. Les décisions collectives adhèrent au rôle politique. La réglementation ne peut avoir force de loi s’il résulte d’une décision majoritaire prise par des délégués dûment mandatés par les citoyens.
Il faut donc commencer par mettre fin au financement public direct ou indirect des syndicats, qui représentent des intérêts catégoriels. Au-delà d’une certaine taille, les entreprises (et les administrations) n’ont pas besoin qu’on leur pose des obligations légales pour consulter et former leurs salariés, car la qualité de leur personnel et sa motivation constituent leur premier capital.
Si nous voulons multiplier le nombre des emplois, il convient de rétablir la liberté de contracter, sachant que le droit de recruter suppose en contrepartie le droit de licencier. Les entreprises auraient en revanche pour obligation de préciser dans leur règlement intérieur les mécanismes de prévention et de résolution des conflits.
Les syndicats ne seront toutefois privés de leur pouvoir de nuisance que le jour où l’exercice du « droit de grève » redeviendra conforme au droit. Comment a-t-on pu croire qu’il suffisait d’introduire une revendication partisane (réarmée de lutte des classes) dans la Constitution pour en faire un principe juridique ? L’autorisation donnée à l’un des partenaires de ne pas honorer sa signature, une disposition contre nature, qui appellerait une autre forme de négation du droit : celui pour l’employeur de fermer l’entreprise. Les grèves seraient alors beaucoup plus rares.
En cas de blocage intégral entre des intérêts particuliers qui s’opposent, la première obligation de l’Etat est de protéger les tiers, les employés non grévistes en particulier. La question se pose en termes différents dans le secteur public, où la concurrence entre employeurs n’existe pas. La grève devrait donc y être proscrite, car l’activité considérée faisant l’objet d’un monopole, les arrêts de travail portent forcément préjudice aux usagers, qui sont dans l’incapacité de se tourner vers d’autres prestataires.