Une classe politique carriériste
Si l’on consulte les sites officiels, on ne peut que s’étonner de la composition très particulière des deux chambres de notre parlement. Il serait plus exact de parler d’assemblées d’élus locaux. Parce que cette première filière peine à générer une élite politique, une seconde caste, celle des grands commis de l’Etat, se sacrifie sur l’autel de la République en sollicitant les suffrages des citoyens. En échange de services rendus à leur mentor, ses membres reçoivent en apanage une bonne circonscription. La fonctionnarisation des parlementaires va de pair avec la politisation des grands corps de l’Etat.
La question des filières d’accès aux postes politiques n’a jamais été analysée avec toute l’attention qu’elle mérite. Comment repérer les citoyens possédant les capacités requises pour gouverner ? Telle est la question. Car l’élection ne confère aucune qualification. La principale qualité attendue des élus est leur capacité, une fois qu’ils ont été éclairés sur les enjeux du débat, à faire preuve de discernement. Comme celle-ci ne relève pas d’un domaine d’expertise précis, les mandats nationaux ne sauraient avoir pour objet de procurer un métier à quelques privilégiés.
Renouveler le personnel politique
Le personnel politique peut être renouvelé d’autant plus aisément que ceux qui ont réussi dans la sphère économique peuvent prétendre faire bénéficier la collectivité de leur expérience. Il faut donc empêcher les élus locaux de s’approprier les mandats nationaux, autrement dit mettre fin au carriérisme. Si faire de la politique permet de vivre très confortablement jusqu’à la fin de ses jours, il est bien normal que certains s’invitent très jeunes dans les cercles du pouvoir. Une fois dans la place, ils feront tout pour conserver leur statut et seront naturellement enclins à privilégier leur intérêt personnel.
Le mode de financement de la vie publique constitue donc bien le noeud du problème. Avec des hommes et des femmes ayant déjà réussi dans leur métier, on serait déjà assuré que la recherche des honneurs n’est pas une motivation essentielle. Mais comment obtenir qu’ils renoncent à un certain train de vie et qu’ils mettent entre parenthèses un savoir-faire professionnel au profit d’une activité présentant le triple inconvénient – pour eux-mêmes et pour leur entourage – d’être aléatoire, moins bien rétribuée et souvent très prenante ? Une solution simple consisterait à verser aux élus une indemnité dont le montant compenserait une perte de revenus non plus supposée, mais effective. Nous préconisons la formule des compte-épargne civique.
La physionomie de la classe politique s’en trouverait considérablement modifiée. Les Français auraient à cœur de mettre leurs talents au service de la chose publique après avoir fait leurs preuves dans le privé. Les personnes uniquement soucieuses du bien public accepteraient de percevoir des revenus plus modestes, tandis que ceux qui aspirent à briller dans les palais de la République devraient commencer par créer de la richesse. On rend service dans la sphère privée avant de prétendre s’occuper des grandes affaires publiques.
Favoriser l’émergence de vrais partis
La vie publique ne peut néanmoins se concevoir en l’absence de véritables partis politiques, relais indispensables entre les citoyens et les gouvernants. Pour qu’il en soit ainsi, la base des partis doit être considérablement élargie. Cet objectif sera plus facilement atteint si les citoyens sont encouragés à indiquer leur sensibilité politique sur les listes électorales afin que les candidats (ou leur parti) puissent les contacter. Le nombre d’adhésions aux partis politiques décuplerait, car les personnes souhaitant participer davantage au débat politique seraient enfin identifiables.
Les partis pourront alors être financés par les dons (fiscalement déductibles) des militants et sympathisants et non plus par le Trésor public, une solution de facilité qui n’a fait qu’éloigner davantage les élus des électeurs. En contrepartie de ce financement public direct, par les citoyens eux-mêmes, les partis se verraient imposer des obligations. Les commissions d’investiture, indépendantes des instances dirigeantes, procéderaient désormais à des appels à candidatures.