Une société civile anémiée
Les politiques mettent souvent en avant le grand nombre d’associations existant en France. Il faudrait préciser que la majorité d’entre elles vivent de subventions publiques.
La liberté d’association a en réalité été dénaturée. Non seulement, beaucoup d’organismes publics sont des associations fictives, mais l’Etat, non content de réserver à ses agents les fonds destinés aux activités d’intérêt collectif, contrôle indirectement des entités censées être autonomes. La distribution d’argent public aux associations est devenue le passe-temps favori des élus et des fonctionnaires.
La crainte viscérale qu’inspire en France le principe même de la concurrence dans les domaines d’intérêt général est un autre héritage de l’histoire. La liberté d’association ayant été reconnue que tardivement (en 1901), dans le contexte très particulier de la lutte anticléricale, elle a été interprétée de ce fait dans un sens très restrictif. Ce qui valait pour la formation des jeunes – la liberté d’enseignement avait été réduite à néant – allait s’appliquer à d’autres secteurs. Un quasi monopole de l’Etat, dans les domaines de la recherche, de l’art et de la culture, a été instauré de facto dans notre pays.
Refondre le droit associatif
Il importe d’élargir le concept juridique d’association pour permettre la création de groupements d’intérêt général en dehors du secteur marchand. La qualification d’association «à but non lucratif» n’établit pas la distinction entre celles qui visent à satisfaire des intérêts personnels ou à rendre des services à la collectivité. On affaire, dans un cas, à des groupes partageant des préoccupations d’ordre privé, fussent-ils motivés par des sentiments altruistes et, dans l’autre, à des quasi-entreprises qui doivent être jugées au vu de leurs résultats, c’est-à-dire de la qualité de leur gestion. Il devrait exister deux types de statut juridique.
Si l’intérêt collectif de l’activité justifie un financement public, les dons et legs versés doivent effectivement être déductibles des impôts (jusqu’à un certain plafond). Cela permettrait de respecter un autre principe essentiel : la capacité de distribuer des fonds publics ne doit pas être l’apanage de l’Etat. Les élus et les fonctionnaires se verraient déposséder d’un pouvoir très contestable : celui de jouer les mécènes avec les deniers du contribuable. Le citoyen pourrait ainsi vérifier par lui-même le degré d’utilité de l’argent public, quand celui-ci est employé à bon escient. Le secteur de l’enseignement serait le premier bénéficiaire de la nouvelle législation, car les sommes considérables qui y sont consacrées (quelque 30 % du budget national) pourraient être bien mieux utilisées.
Ouvrir l’enseignement sur le monde
En matière scolaire, le tableau est plutôt sombre. Les pédagogues n’ont guère voix au chapitre, ni les parents désemparés par l’inefficacité du système de formation professionnelle. On constate un début de prise de conscience de la nature politique du problème, qui est lié à un manque de liberté, des minorités prétendant imposer un programme et des méthodes. Non seulement on a inculqué avec de telles pratiques une vision de l’histoire conforme à la pensée officielle, pour ne pas dire falsifiée, mais les objectifs politiques de l’école n’ont pas été atteints, de sorte que les inégalités culturelles se sont davantage perpétuées en France qu’ailleurs.
Le dogme du monopole étatique de l’enseignement semble bien battu en brèche. En effet, les théoriciens de l’école publique sont les premiers à la déserter. Pour leur épargner les affres du chômage, ils inscrivent leurs enfants dans des établissements huppés, quitte à acquitter des frais de scolarité deux fois supérieurs, administrant ainsi la preuve que l’enseignement n’est plus une mission qu’il faut réserver à l’Etat. Sauf à le confondre avec de l’endoctrinement, il ne nécessite pas de recourir à la coercition. L’école n’est plus le moyen quasi unique de socialisation des enfants. Dans un pays encore très marqué par le culte de l’Etat, l’autorisation donnée aux particuliers de créer des écoles véritablement libres devra se faire par étapes.
Si un pas a été franchi vers l’autonomie des universités, nous sommes encore loin du compte. Elles ne pourront relever le défi de la compétition internationale que le jour où elles seront libres de recruter les enseignants, les chercheurs et les étudiants de leur choix. L’ouverture de la concurrence aux autres domaines d’intérêt commun devrait même s’appliquer, pour le plus grand profit de nos compatriotes, au premier d’entre eux : la recherche des solutions aux problèmes politiques.