Redéfinir le rôle de l’Etat
En démocratie, l’Etat joue un rôle à la fois central et subsidiaire : central car, il régule la société par le droit, subsidiaire car il accomplit certaines tâches qu’il est seul capable d’assumer. La société peut fonctionner grâce aux vertus d’un adjuvant magique, le droit, au sens premier de « ce qui est juste ». Préexistant à l’état virtuel, il demande à être explicité, son bien-fondé se vérifiant à l’usage. La puissance publique, qui est la première à devoir s’y soumettre, se doit d’en détailler le contenu pour l’utilisateur final qu’est le citoyen. La loi n’empiète pas pour autant sur la vie privée, car la morale prend le relais en rendant chacun responsable de ses actes.
Pour remettre l’Etat à sa place, il convient de résoudre trois problèmes de nature différente. Il faut savoir : ce qui relève de sa responsabilité ; quels sont les principes qu’il doit respecter s’il gère lui-même la prestation en direct ; et dans quels cas il doit confier la tâche considérée à des tiers.
Recentrer l’Etat sur ses métiers
Il existe un seul critère pour déterminer si une activité comporte une dimension publique. Il suffit de pouvoir démontrer que, non seulement elle participe de l’intérêt commun, mais que le recours (éventuel) à la coercition est une condition nécessaire de son efficacité. On peut justifier le principe a contrario. A quoi bon user de la contrainte quand elle n’a pas lieu d’être ? Pourquoi l’Etat devrait-il intervenir si, une fois la règle fixée, des citoyens peuvent assumer eux-mêmes la prestation des services attendus ?
L’Etat doit donc commencer par se délester des activités qui ne requièrent pas l’usage de la contrainte. Le tracé de la frontière entre sphère privée et sphère publique suit l’évolution des mœurs, mais aussi de la technologie et de la science juridique. Il appartient au législateur de définir la meilleure articulation possible entre les deux sphères. Là où la concurrence peut s’exercer, il n’y a pas lieu d’instaurer un monopole. Dans le cas des monopoles dits naturels, la concession à un tiers sauvegarde mieux l’intérêt des usagers, car l’attributaire peut être remplacé.
Quant aux interventions directes de l’Etat sur les marchés, au motif que ceux-ci souffrent de dysfonctionnements, elles ne font généralement qu’aggraver la situation et susciter de nouvelles interventions. Lorsqu’on cherche à mieux comprendre les défaillances d’un marché – alors même que l’absence d’esprit d’initiative est souvent imputable au comportement de la puissance publique – on constate en général que la législation est inappropriée, autrement dit que l’Etat a failli à ses obligations en matière réglementaire.
Moderniser les services publics
Lorsqu’on est en présence de véritables fonctions étatiques, il faut s’interroger sur la gestion des deniers publics. En tant que grande entreprise de services, l’Etat a donc intérêt à exercer lui-même les prestations dont il a la charge. D’abord, parce qu’il peut en contrôler la qualité ; ensuite, parce que cette option permet de réaliser des économies. En effet, l’Etat n’a pas besoin de rechercher des clients ; par ailleurs, ses salariés sont prêts à accepter d’être moins bien payés que des salariés du secteur privé. La raison en est double : ils bénéficient d’une meilleure sécurité de l’emploi, car les fonctions étatiques n’ont pas vocation à disparaître, et ils ne sont pas contraints (comme les aristocrates sous l’Ancien régime) d’exercer une activité subordonnée au bon vouloir de clients.
La sous-traitance peut se justifier toutefois pour des raisons financières. Les organes de l’Etat devraient même y avoir obligatoirement recours quand les entreprises ou des organes non étatiques peuvent dispenser des prestations identiques pour un coût inférieur. C’est pourquoi tous les établissements publics doivent tenir une comptabilité analytique et patrimoniale. La baisse du niveau des traitements qui en résulterait dans le secteur public serait bénéfique pour les contribuables, mais aussi pour les agents de l’Etat, dont l’emploi serait ainsi sauvegardé. Le même souci de bonne gestion, le respect de l’égalité devant le droit, conduirait à remettre en cause la garantie de l’emploi dans la fonction publique. La Suisse, l’Italie et les pays nordiques ont déjà tranché.
Si l’on en juge par l’expérience des pays les plus performants, et par les travaux d’économistes de renom, le respect rigoureux de ces principes de bon sens pourrait ramener à terme le taux des prélèvements obligatoires aux alentours de 20 pour cent !