Susciter de nouvelles unions plurinationales
L’Europe aura fait école si de nouveaux pays candidats à l’union, non seulement ne commettent pas les mêmes erreurs, mais ouvrent la voie à l’étape suivante de la pacification planétaire. Grâce à eux, l’espace pacifié sera déjà monté d’un cran. Les premiers candidats seront peut-être l’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne, car elles auraient tout à y gagner. Les conditions sont favorables, car elles possèdent de fortes affinités culturelles et des frontières géographiques bien délimitées, tandis qu’elles ont hérité sur le plan institutionnel du même type de handicaps.
On attend un nouveau Bolivar pour entraîner sous sa bannière une Amérique latine échaudée par deux siècles de caudillisme. Les colonies espagnoles ont d’abord emprunté le modèle présidentiel nordaméricain à l’issue des guerres d’indépendance. Puis ces pays ont importé d’Europe le mode de scrutin en vogue au début du XXe siècle pour les élections législatives. Deux choix malheureux, dont il a résulté un système sui generis. Un Président auréolé de l’onction du suffrage universel et disposant des moyens d’Etat pour amadouer les opposants peut espérer régner longtemps. Sauf qu’il suffit alors s’emparer du bureau présidentiel sans grand risque d’effusion de sang pour prendre le pouvoir. Sous couvert d’institutions formelles, la réalité n’a guère évolué car le mal réside dans leurs institutions.
L’Afrique a les mêmes urgences à faire valoir. C’est la région où l’on peut le mieux constater les travers du présidentialisme, un héritage de l’empire colonial français. On peut voir dans ce modèle constitutionnel le principal frein au développement de la majorité des pays africains figurant dans le peloton de queue des pays en mal de démocratie. La voie du salut passe par un panafricanisme raisonné qui osera remettre en cause ce mode de gouvernement, obsolète également dans le pays d’origine. La tradition de l’arbre à palabres doit être restaurée à des étages supérieurs. Des Sages doivent être capables de s’appuyer sur la vox populi pour ancrer la démocratie à l’échelon supranational, en attendant que la notion de nation fasse davantage ses preuves.
Il faudra attendre que les choses bougent dans les autres régions du monde pour qu’émergent les autres plaques tectoniques qui serviront un jour d’assise à une démocratie planétaire. Tout porte à croire que les conditions seront alors réunies pour que la paix puisse alors se propager à l’échelle globale. C’est ce que l’histoire de l’Europe nous a déjà enseigné. La pacification d’un espace trans-politique devient possible quand il existe un équilibre diplomatique entre cinq et dix acteurs. Au-delà de dix, il est difficile d’imposer des règles, tandis qu’en deçà de cinq, les alliances dégénèrent en un duopole.
Dans un tel système de jeu, aucun élément ne peut prétendre imposer son hégémonie sans se heurter incontinent à la coalition des autres (Napoléon et Hitler en ont fait l’expérience). Voilà comment la démocratie moderne est née en Europe, car les pays avaient échappé entre le XVe et le XIXe siècle au phénomène de l’impérialisation observé partout ailleurs. Comme les grandes aires culturelles de la planète ont à peu près le même nombre, il suffirait qu’elles mutent en autant de plaques géopolitiques pour que le même miracle se reproduise à l’échelle du globe. Toutes les pièces du puzzle y trouveraient alors leur place. Tout irait bien si la Chine ne venait pas troubler le jeu.