Combler le déficit démocratique de l’Union

Combler le déficit démocratique de l’Union

 Les gouvernements européens ont tourné une page de l’histoire en unissant leurs pays, même s’ils n’ont pas emprunté le chemin le plus court, ni le plus efficace. Soixante-dix ans après la pose de la première pierre, ils ne constituent toujours pas une véritable entité politique.

Les Etats se fédérant sont supposés déléguer à un étage supérieur des compétences dont les gouvernants n’auront plus. La charge en incombera alors aux délégués de l’étage supérieur, placés eux-mêmes sous le contrôle des citoyens déléguant leur pouvoir souverain à des niveaux successifs. L’Union a été freinée dans son élan initial par un évènement inattendu, le rejet en 1954 par le parlement français – deux partis s’y sont opposés – du projet de Communauté européenne de défense. Au lieu de créer une entité autonome sous le contrôle de politiques, les pères fondateurs ont construit l’Europe en se rabattant sur la voie économique, sous l’influence de la doctrine saint-simonienne qui postule la primauté de l’économique sur le politique – alors que la relation est inverse.

La logique aurait voulu par ailleurs que les premières compétences correspondent aux deux premiers attributs d’un Etat, à savoir : une loi fondamentale commune et la capacité de parler d’une seule voie à l’extérieur, ce qui suppose une procédure de décision à une majorité éventuellement qualifiée. Prisonnière de l’emprise intergouvernementale, l’Union a poursuivi au niveau européen ses pratiques nationales qu’il aurait mieux valu éviter. Elle a empêché du même coup l’émergence de personnalités européennes de stature internationale, dont l’absence se fait durement sentir.

Ce n’est pas tout. A défaut de s’être dotée d’une authentique loi fondamentale, elle a dû combler ce vide par l’adoption d’une charte européenne des droits fondamentaux, qui se révèle être une anthologie de clichés médiatiques (1). Elle a accrédité qui plus est l’idée que les principes supérieurs de droit relèvent de l’ordre culturel, une brèche dans laquelle la Chine n’a pas manqué de s’engouffrer. La malchance a voulu enfin que la Cour européenne de Strasbourg, statuant à partir d’une Convention dérivée de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – un texte historiquement daté et truffé d’ambiguïtés – ait discrédité l’Europe aux yeux des Britanniques. C’est l’un des autres causes du Brexit (2).

Comme on n’imagine pas que la « mère des démocraties » – le Royaume-Uni – ne fasse pas partie de la future Europe politique, l’Union sait ce qui lui reste à faire. Renouer avec un glorieux passé, en s’appliquant à elle-même les préceptes de la démocratie qu’elle a exportée au monde il y a quelques siècles : elle donnera naissance au Bill of Rights du XXIe siècle. Pourvu qu’elle se dote de surcroît d’une diplomatie et d’une défense commune, elle enclenchera une dynamique salutaire dans le reste du monde.

 

(1) Le texte a été l’œuvre de l’unique membre communiste du Conseil d’Etat.

(2) La Cour Européenne des Droits de l’Homme – entité liée au Conseil de l’Europe – a interdit les punitions corporelles dans les collèges, ce qui suscita la perplexité dans les chaumières. Plus grave, elle a prétendu, contre l’avis du parlement de Westminster, autoriser les détenus de droit commun à voter. Les M.P. ont imposé leurs vues contre l’arrêt de la haute juridiction européenne et la population, elle, a claqué la porte de l’Europe.